Paru le 17 avril 2015
Après plus de trente ans au Club nautique havrais, Christos Paparrodopoulos, le controversé entraîneur de haut niveau, est licencié pour raisons économiques. L’association n’a pas d’autre choix.
Sous le soleil, les regards sont sombres et les voix s’étranglent d’émotion. Sur la terrasse du CNH, son président Pierre-Jean Baudouard l’annonce, la mort dans l’âme : le charismatique entraîneur étroitement lié au club le quitte fin avril. « Un départ non volontaire, et qui ne remet pas en cause les compétences de l’homme. La situation du club nous impose ce choix. » Christos Paparrodopoulos, 59 ans, connaît cette cruelle décision depuis plusieurs semaines. Mais elle a été annoncée il y a seulement quelques jours à ses poulains pour ne pas les perturber lors des championnats de France de natation, début avril. Les familles (en colère) sont au courant. Les adhérents, qui croisaient au bord de la piscine d’été le sportif aux origines grecques arrivé en France il y a trente-quatre ans, pas encore.
Baisse du salaire
Depuis cinq ans, le Club nautique havrais prend l’eau suite à un enchaînement de situations : l’ouverture du centre aquatique des Docks et une redoutable concurrence côté tarifs, la fermeture pendant deux ans de la piscine du cours de la République qui a fait fuir certains licenciés sportifs (nage, polo et natation synchronisée), et des travaux de rénovation qui ont plombé les comptes avec, cerise sur le gâteau empoisonné, une subvention de 200 000 € du Département qui n’est jamais arrivée. Un tourbillon inéluctable avec une réalité : au budget de 900 000 €, il manque encore pour cette saison la somme de 75 000 €, malgré une aide de la Ville au début de l’année. De 2 000 adhérents il y a cinq ans, le CNH est tombé aujourd’hui à 1 300. « L’été dernier, nous avons perdu 300 cotisations », constate le président d’une association qui a multiplié les nouvelles formules au cours des dernières années, y compris l’ouverture plus large d’un équipement souvent accusé à tort d’être réservé à une élite. « Mais je me refuse à être le président qui mettra la clé sous la porte », affirme Pierre-Jean Baudouard, qui veut à tout prix sauver le club né il y a plus de 80 ans.
Ce licenciement économique suppose la fin du haut niveau. Le coach, trente-trois ans de « maison » et connu pour son caractère bien trempé, a emmené deux athlètes sur la plus haute marche, aux JO, dont Hugues Duboscq, triple médaillé olympique à Athènes et Pékin. Les jeunes pousses, dont les prometteurs Kévin Lasserre et Tiphaine Saint-Gilles, se retrouvent aujourd’hui sans entraîneur, avec l’obligation d’aller à Marseille, Amiens ou ailleurs. « Ce serait une escroquerie de dire que nous pouvons continuer. Nous laissons passer trois ans pour nous remettre ensuite à flot. »
Ce n’est plus l’affaire de Christos Paparrodopoulos, qui s’est sacrifié financièrement (suppression du 13e mois, baisse jusqu’à 35 % de son salaire). Mais en vain. Amer et avouant qu’il serait bien resté au Havre, sa ville d’adoption, il s’envole pour Doha fin mai. Grâce à son réseau, il devient le responsable de la natation de haut niveau au Qatar, employé par le comité olympique de ce pays du Moyen-Orient. « Un beau challenge, après toutes ces belles années d’expérience avec pour ambition d’emmener les athlètes qataris à Tokyo en 2020. » Et pendant ce temps, Le Havre aura perdu depuis longtemps sa flamme olympique.